POMBAL (marquis de)

POMBAL (marquis de)
POMBAL (marquis de)

POMBAL SEBASTIãO JOSÉ DE CARVALHO E MELO marquis de (1699-1782)

Né d’une famille de petite noblesse provinciale, Sebasti ao José de Carvalho e Melo est loin d’avoir laissé deviner, au début de sa carrière, sa carrure d’homme d’État. C’est seulement vers la quarantaine que sa perspicacité se manifeste et que ses dépêches (il est alors en poste à Londres) le font connaître à la cour de Lisbonne. Son mariage avec la fille du comte d’Arcos, plus que ses études de droit, lui a ouvert certains horizons: il analyse méticuleusement la formation des deux grands «blocs» de l’époque: Espagne, Autriche et France d’une part, Prusse et Angleterre de l’autre. Il réfléchit au développement des politiques coloniales. À Vienne, en 1744, il s’efforce de réaliser un accord entre les puissances rivales. Mais Pombal surestime toujours les possibilités d’arbitrage de son pays. Sa personnalité complexe l’incline à porter ses efforts dans un trop grand nombre de directions. Il est à la fois un Choiseul, un Colbert, un Walpole, et pourtant son crédit restera toujours discuté. On doit distinguer entre une politique extérieure marquée par l’alliance anglaise (encore qu’il l’ait poussée moins loin que ses successeurs), une politique religieuse impitoyable (marquée surtout par la lutte contre les Jésuites) et une politique de réformes économiques et sociales qui, elles, vont très loin et suffiraient à consacrer sa réputation de novateur. Nommé secrétaire d’État précisément à l’époque du célèbre tremblement de terre qui détruisit la moitié de Lisbonne, en 1755, Pombal s’impose tout de suite comme «l’homme fort» de la monarchie. Ces heureux débuts, joints à la chance d’avoir pour souverain un roi faible comme Joseph Ier, lui permettent de donner sa mesure: celle d’un réaliste, imbu de libéralisme et convaincu de la vocation mercantiliste de son pays. Les vingt ans qui vont suivre sont consacrés au «redressement national», autrement dit à la lutte par tous les moyens contre la crise économique dans laquelle le Portugal s’enlisait depuis plusieurs décennies. D’un côté, Pombal s’attaque aux privilèges du clergé et de la noblesse, auxquels il préfère les grandes compagnies monopolistiques; de l’autre, il renouvelle les structures administratives, par la législation, l’expansion maritime, la réforme des douanes, le développement rationnel des richesses du Brésil, la remise en ordre de la monnaie et de l’armée, etc. Ainsi sont créées, entre autres, la Compagnie du commerce d’Asie, sur le modèle anglais, et la Compagnie vinicole du Douro; sur le plan culturel, l’enseignement est réformé, à commencer par l’Université de Coimbra qui, à partir de 1772, s’ouvre aux disciplines scientifiques. Même la guerre européenne des années 1756-1763 sert les desseins de Pombal, pour qui seul compte le résultat.

L’année 1768 est cependant un tournant dangereux: crise de l’or (dans les Minas Gerais), du sucre et des diamants, réduction considérable des exportations et premiers mouvements de rébellion intérieure. Pombal fait front brutalement: certains auteurs vont jusqu’à parler de «terrorisme pombalin». Le marquis n’a pas le talent de nuancer son autoritarisme de la suavité coutumière aux despotes éclairés de son temps; en outre, il est seul ou presque: en 1776, Joseph Ier, malade, abandonne le pouvoir à sa femme, une Bourbon, et désormais le crédit du ministre ira en s’effritant. L’année suivante, accusé d’avoir causé la mort du roi, Pombal devra fuir Lisbonne devant le peuple en colère. Son procès, en 1779, donnera la mesure des rancunes dont il est l’objet. On lui reproche ses abus de pouvoir, sa vénalité, les insuccès de ses armes. Le malheur pour Pombal est qu’il se défend mal, ou plutôt maladroitement: se retranchant derrière l’autorité du feu roi, il met de ce fait en cause la responsabilité de la couronne, et Marie Ire ne lui pardonnera jamais. On refusera de voir les marques les plus tangibles de sa capacité de construire: cette ville de Lisbonne dont il a redessiné toutes les parties basses, ces perspectives monumentales, cet arc de triomphe grandiose qui auraient suffi à consacrer la gloire d’un Louis XIV ou celle d’un Pierre le Grand. Obligé de démissionner pour éviter le pire, desservi par son laïcisme en un pays où la religion est omniprésente, trahi par les apparentes contradictions d’une œuvre économique et sociale trop hardie pour être comprise, Pombal se retire avec dignité au moment même où le nouveau conflit franco-anglais, à propos de la guerre d’Indépendance américaine, aurait pu combler les rêves d’arbitrage qu’il avait si longtemps portés.

Sa mort, survenue en août 1782, n’apaisa point les critiques. Honni par les uns, récupéré par les autres, notamment par la «gauche» portugaise, Pombal a en réalité parfaitement épousé son siècle: le «culte de la raison» associé à la confiance dans la «loi naturelle» fut sa seule constante politique. Son sens de l’organisation s’est exercé sans appareil technocratique, ses réformes sans recours aux idéologies.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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